4/18/2010

Entrée des fantômes (1)

"Ma vie alors, je me dis des fois, aurait pu basculer : argent facile, limousines, vedettes, villas, piscines, vedettes, villas, piscines, Roederer Crystal, soirées genre ostéopathe mondain de Londres, Christine Keeler ... Mais non ! No regrets ! ça commençait à finir, tout çà : les producteurs flambeurs, les actrice flambées, le cinéma passait entre les mains des banquiers, exécutifs, exécuteurs, les filles menaient un combat pour devenir actrice d'un jour, jetables, elles n'avaient plus la tête à rigoler et l'argent servait à acquérir l'argent [...] Enfin, non, là en 72-73, l'année de La Maman et la Putain à Cannes, ça allait de justesse, pour encore deux, trois ans; après, ce serait la nouvelle aire glaciaire, le temps de boucler le scénar, tourner le film, ç'aurait été pour rien ... comme pour le tango ! J'avais bien fait de ne rien faire.
78-79, on allait solder les comptes... inventaires avant de démarrer l'ère technologique barbare sans mémoire, oeuvres complètes en DVD ... Frigo ! Congélateur ! Greffiers!... Repli général!!... Restauration!!!... Et ce qu'on voulait à la rigueur voir sur l'écran c'était des plus moches et malheureux que soi... ! Et des histoires plus tristes que la sienne pour ne pas désespérer. Alors pourquoi je l'aurais fait, le scénar ? puisque pauvre de moi, j'en étais resté au piscines de Gatsby et de l'ostéopathe mondain de Londres ! Toujours aussi romanesque ! Un rêveur forever !"

Jean-Jacques Schuhl - Entrée des fantômes (Gallimard)