5/01/2007

Leave Them All Behind


Leur premier album avait provoqué en moi les espoirs et les rêves les plus fous. Enfin, j'allais avoir un groupe à moi, à ma génération à moi, à revendiquer fièrement, tel un étandard derrière lequel se rassembleraient les indiekids de toutes tribus, de gauche comme de droite. Un équivalent des années 2000 au Nowhere de Ride. C'était il y a à peine un an et, après un single incendiaire, ils avaient livré un premier album gorgé de tubes et d'hymnes, au titre tel un manifeste. Las, entre un album au plaisir très (trop) immédiat écouté jusqu'à l'usure, et des concerts très (trop) fantasmés et décevants, le bilan en fin d'année n'était pas si brillant et je m'étais rendu à l'idée que cela ne resterait que le groupe de l'album symbole d'une année 2006 entre espoir et frustration. Mais on apprend pas au vieux singe à faire la grimace. Surtout quand ils sont quatre et qu'ils ont même pas 20 ans de moyenne d'âge. Pour être honnête, je n'attendais pas les Arctic Monkeys -puisque, vous l'aurez compris, c'est d'eux qu'il s'agit- à un tel niveau pour leur deuxième album. Là où tant de leur compatriotes et/ou contemporains se sont pris les pieds dans les fils (d'amplis) au moment de livrer leur deuxième opus, le combo de Sheffield nous surprend. Et reprend d'office la tête dans la course au titre de meilleur album de l'année. Si les Arctic Monkeys n'ont pas renié ni leur jeunesse ni leur fulgurance (Brianstorm), il font preuve d'une étonnante maturité tout au long de Favourite Worst Nightmare, album aux accents plus pop voire funky, comme si, en cette période électorale, ils nous montraient la voie à suivre, celle de la douceur et de la lumière, plutôt que celle de la force et de la violence... Et sur Only Ones Who Know , ils se payent même le luxe d'écrire une des plus belles chansons de ce printemps estival, à ranger dans la catégorie des ballades éternelles, domaine dans lequel, à l'heure actuelle, seules Keren Ann et Feist peuvent les tutoyer... Vous allez me dire "mouais, encore un album au plaisir immédiat, qu'on va écouter en boucle jusqu'à s'en lasser, qu'ils vont pas être capable de défendre sur scène, c'est pas un grand groupe qu'on tient là". Oui mais voilà. Si tous les ans ils nous livrent un album d'une telle facture, en bande son parfaite de l'année, on va peut-être finir par jouer les vieux singes; et à notre fille qui dans 20 ans nous parlera du nouveau groupe en The (que bien sûr, on trouvera nul... :-P), on lui répondra: "quand j'avais ton âge au moins y avait les Arctic Monkeys pour sortir des albums qui me faisaient rêver".

http://www.youtube.com/watch?v=30w8DyEJ__0

Feistival


Lorsque j'écoute un disque à répétition, comme le dernier Rakes par exemple, je me sens un peu coupé des réalités du terrain. J'entends par là de ce qui serait jugé excitant en faisant abstraction de toute hype, buzz.... Et quand je me sens un peu coupé des réalités du terrain, il m'arrive de demander à Cocokwaze : "Quels sont tes derniers coups de coeur ?". Connaissant son enthousiasme parcimonieux pour les next big things et trucs myspace, je suis assez certain de la qualité de ses propositions. Même si c'est souvent dit du bout des lèvres, on ne s'en fait pas, on écoute les yeux fermés. Il y a peu de temps, je lui ai posé la fameuse question. Et il m'a répondu : "Feist". Elle est un peu moins hype qu'il y a trois ans, à l'époque de la sortie de son premier album Let It Die, qui avait connu succès critique et commercial (à retardement et surtout à l'est de la ligne 4). Entre temps elle est revenue s'amuser auprès de ses amis du collectif canadien Broken Social Scene, auteurs d'un disque réussi du même nom (je n'ai pas encore écouté le premier).
Sur The Reminder, son nouvel album, Feist est retournée à ses amours françaises. Le disque a été enregistré live à Paris, et cela s'entend. Sa voix souffle le chaud et le froid selon l'humeur des chansons, nous revient souvent en échos, comme si Feist chantait dans une église où nous nous serions risqués à mettre les pieds. La chanteuse canadienne est nomade, on s'en doutait un peu, et quand elle se pose dans "The Park", sa guitare à la main, sa voix fait s'épanouir toute la flore environnante, et nous avec. Sur "Brandy Alexander", accompagnée de quelques notes de piano et de volutes de cordes satinées, sa voix, encore, son arme de séduction massive, transperce les coeurs les plus aguerris. Ce disque ne serait qu'un sommet de mélancolie soul, s'il ne recelait pas de pépites pop "Mushaboom". On pense notamment à "1,2,3,4", cette chanson intemporelle que l'on réécoutera dans cinq ans avec un plaisir intact, comme si elle était sortie dans les années 60 marquée du sceau Burt Bacharach, mais aussi à "My Moon Man" et "I Feel It All". Ah j'allais oublier, comme Antony, peut être la plus belle voix soul de ces dernières années avec Feist, notre amie aime Nina Simone, et lui rend hommage à sa manière en réinterprétant son classique "Sea Lion Women", qui est paradoxalement le titre le plus Broken Social Scene de The Reminder. Après avoir écouté ce disque, peut être aurez vous aussi envie de poser la fameuse question à Cocokwaze...



Feist - 1,2,3,4

Disque en écoute intégrale sur http://www.myspace.com/feist