12/13/2009

La route de Los Angeles (2) & (3)

""Tu lis tout le temps", il m'a dit. "T'as déjà essayé d'écrire un livre ?"
Ça a fait tilt. Dès cet instant, j'ai voulu devenir écrivain."J'en écris un en ce moment", j'ai dit.
Il a voulu savoir quel genre de livre.
"Ma prose n'est pas à vendre", j'ai répondu. "J'écris pour la postérité".
"J'ignorais ça", il a fait. "T'écris quoi ? Des nouvelles ? Ou de la fiction pure?"
"Les deux. J' suis ambidextre."
"Oh. J'ignorais ça aussi."
Je me suis dirigé vers les rayons acheter un crayon et un calepin. Il voulait savoir ce que j'écrivais actuellement.
"Rien. Je prends seulement des notes pour un ouvrage à venir sur le commerce extérieur. Curieusement, ce sujet m'intéresse. Une sorte de violon d'Ingres.""


"Derrière elle, invisible jusqu'au moment où elle s'est écartée, un petit homme est entré. C'était Shorty Nailor. Il était beaucoup plus petit que moi et très mince. Ses clavicules saillaient. Sa bouche ne contenait aucune dent digne d'être mentionnée, sinon deux ou trois qui étaient pire que rien. Ses yeux évoquaient des huîtres décaties posées sur une feuille de papier. Du jus de tabac séché encroutait les commissures de ses lèvres comme du chocolat. Il avait tout du rat aux aguets. Son visage était si gris que l'on eût juré qu'il n'avait jamais mis les pied au soleil. "

John Fante - La route de Los Angeles (10/18)