11/23/2010

Pendant les mois qui ont suivi la commercialisation de "This Is Happening" de LCD Soundsystem, et donc la première écoute de "Home", je me suis demandé quel titre pourrait venir la titiller sur la plus haute marche du podium des chansons de l'année. La réponse tient en 3'55


6/06/2010

Beautiful People (2)

"Hébétés, bourrés de coke pour oublier la solitude, pour oublier le néant. "Nous n'avions jamais le temps de comprendre les gens, nous étions tellement occupés à courir après des illusions" ajoute Diane. Et après avoir plané, il faut bien atterrir : la vie le lendemain, vide et fracassée, encombrée de l'extase de la nuit précédente, la gueule de bois et les mains tremblantes, l'inanité au-delà de l'illusion."


Beautiful People - Saint Laurent, Lagarfeld : splendeurs et misères de la mode - Alicia Drake (Gallimard - 2008)

5/25/2010

L'entrée des fantômes (2)

"De l'autre côté de la nuit se devine le bleu du ciel, un bleu comme noir. Les fantômes sont évaporés. Cela fait un moment que la voiture roule dans le bruit étale doux lointain d'une machine de velours, il semble le bruit même de l'ombre. Renversé sur la banquette, à travers la vitre ornée de fleurs de givre je contemple au dessus de moi le point lumineux qui poursuit sa ronde perpétuelle dans la voute étoilée, je m'aperçois que je tiens le stylo près de mon visage, distraitement dans un souffle que j'expire Ahhh ... un fragment de laque se déboîte vers l'intérieur, glisse sur le côté, dévoile une membrane transparente Ahhh"

Jean-Jacques Schuhl - Entrée des fantômes (Gallimard)

5/01/2010

Beautiful People

"Depuis toujours, Corey est dans la fascination de l'image, point de départ de son attirance pour la notion de mode, les mannequins et Andy Warhol, lequel est non seulement un grand manipulateur de l'image dont la démarche proprement dite consiste à décrire la surface des choses, qu'il s'agisse du président Mao ou d'une chaise électrique. La relation sentimentale malheureuse qu'il vit alors n'est que la continuation de cette problématique, puisque l'homme qu'il poursuit est amoureux non pas de lui mais de son reflet. "Je n'avais pas un vrai travail, je n'étais pas un vrai mannequin, en fait je n'étais rien, explique-t-il. Tout ce que j'avais, c'était moi. La jeunesse et l'énorme pouvoir de séduction que l'on peut avoir à cet âge : voilà sur quoi je pouvais compter." Description qui s'applique à nombre de garçons et de filles qui à cette époque de triomphe de l'apparence vivaient de leur image"

Beautiful People - Saint Laurent, Lagarfeld : splendeurs et misères de la mode - Alicia Drake (Gallimard - 2008)



4/18/2010

Entrée des fantômes (1)

"Ma vie alors, je me dis des fois, aurait pu basculer : argent facile, limousines, vedettes, villas, piscines, vedettes, villas, piscines, Roederer Crystal, soirées genre ostéopathe mondain de Londres, Christine Keeler ... Mais non ! No regrets ! ça commençait à finir, tout çà : les producteurs flambeurs, les actrice flambées, le cinéma passait entre les mains des banquiers, exécutifs, exécuteurs, les filles menaient un combat pour devenir actrice d'un jour, jetables, elles n'avaient plus la tête à rigoler et l'argent servait à acquérir l'argent [...] Enfin, non, là en 72-73, l'année de La Maman et la Putain à Cannes, ça allait de justesse, pour encore deux, trois ans; après, ce serait la nouvelle aire glaciaire, le temps de boucler le scénar, tourner le film, ç'aurait été pour rien ... comme pour le tango ! J'avais bien fait de ne rien faire.
78-79, on allait solder les comptes... inventaires avant de démarrer l'ère technologique barbare sans mémoire, oeuvres complètes en DVD ... Frigo ! Congélateur ! Greffiers!... Repli général!!... Restauration!!!... Et ce qu'on voulait à la rigueur voir sur l'écran c'était des plus moches et malheureux que soi... ! Et des histoires plus tristes que la sienne pour ne pas désespérer. Alors pourquoi je l'aurais fait, le scénar ? puisque pauvre de moi, j'en étais resté au piscines de Gatsby et de l'ostéopathe mondain de Londres ! Toujours aussi romanesque ! Un rêveur forever !"

Jean-Jacques Schuhl - Entrée des fantômes (Gallimard)

3/07/2010

L'Horizon

"Ces fragments de souvenirs correspondaient aux années où votre vie est semée de carrefours, et tant d'allées s'ouvrent devant vous que vous n'avez que l'embarras du choix. Les mots dont il remplissait son carnet évoquaient pour lui l'article qu'il avait envoyé à une revue d'astronomie. Derrière les événements précis ou familiers, il sentait bien tout ce qui était devenu une matière sombre : brèves rencontres, rendez-vous manqués, lettre perdues, prénoms et numéros de téléphone figurant dans un ancien agenda et que vous avez oubliés et celle et ceux que vous avez croisé sans même le savoir. Comme en astronomie cette matière sombre était plus vaste que la partie visible de la vie. Elle était infinie. Et lui, il répertoriait dans son carnet quelques faibles scintillements au fond de cette obscurité. Si faibles, ces scintillements, qu'il fermait les yeux et se concentrait, à la recherche d'un détail évocateur lui permettant de reconstituer l'ensemble, mais il n'y avait pas d'ensemble, rien que des fragments, des poussières d'étoiles."

Patrick Modiano - L'Horizon (Gallimard)

2/20/2010

L'Amérique (1)

"Je me souviens, un soir de décembre froid et lumineux à New York, d'avoir suggéré à un ami qui se plaignait d'être là depuis trop longtemps de venir avec moi à une fête où il y aurait, lui promis-je avec l'ingéniosité triomphante de mes vingt-trois ans, "de nouveaux visages". Il rit à s'en étouffer, littéralement, au point que je dus baisser la vitre du taxi et lui taper dans le dos. "De nouveaux visages, finit-il par dire, ne me parle pas de nouveaux visages". Apparemment la dernière fois qu'il était allé à une fête où on lui avait promis des "nouveaux visages", ça s'était résumé à quinze personnes dans une pièce, et il avait déjà couché avec cinq des femmes et devait de l'argent à tous les hommes sauf deux. Je ris avec lui, mais les premières neiges venaient de commencer à tomber et les immenses sapins de Noël scintillaient de jaune et blanc à perte de vue le long de Park Avenue et j'avais une robe neuve et il ne se passerait pas très longtemps avec que je ne comprenne la morale particulière de cette histoire."

Joan Didion - L'Amérique (Grasset)

1/21/2010

Mes disques préférés des noughties

The Strokes – Is This It
The Streets – Original Pirate Material
Metro Area – S/T
Outkast – Speakerboxx/The Love Below
Burial – Untrue
Blur – Think Tank
Fennesz – Black Sea
The Field – From Here We Go Sublime
Four Tet – Rounds
Gang Gang Dance – Saint Dymphna
Go Team! – Thunder Lightning Strike
GYBE – Yanqui UXO (ne serait-ce que pour les 7 premières minutes du morceau d’ouverture)
Jay-Z – The Black Album
Kanye West – The College Dropout
LCD Soundsystem – Sound Of Silver
Daft Punk – Discovery
Liars – They Threw Us in a Trench & Stuck Monument on Top
Luomo – Vocal City
Panda Bear – Person Pitch
PJ Harvey – Stories From The City, Stories From The Sea
Radiohead – Kid A
Sonic Youth – Rather Ripped
Studio – Yearbook 1
Air France – No Way Down EP
Telepathe – Dance Mother
Cold Cave – Love Comes Close
The Avalanches – Since I Left You
Tim Hecker – Harmony In Ultraviolet
TV On The Radio – Return To Cookie Mountain
Yo La Tengo – I Am Not Afraid of You and I Will Beat Your Ass
Animal Collective – Sung Tongs
Bon Iver – For Emma, Forever Ago
Daniel Darc – Crêve Coeur
The Rapture – Echoes
Susumu Yokota – Grinning Cat
Hot Chip – The Warning
Antony and The Johnson – I Am A Bird Now
Erikah Bady – New Amerikah Part One
Deepchord presents Echospace – The Coldest Season
Fennesz & Sakamoto – Cendre
William Bassinski – The Desintegration Loop 1
Metro Area – Fabric 43

Ecouter des extraits de la playlist : ici

1/03/2010

La vérité sur Marie (1)

"Il y a des jours ainsi, à la fin de l'été, qui restent confinés du matin jusqu'au soir dans cette chaleur statique qui enveloppe les corps et engourdit l'esprit, et je finis par me rendre compte que ce qui rendait la crique si étrange ce jour là, c'était qu'il n'y avait plus de bleu dans le paysage. On eut dit que, à l'aide d'un logiciel de retouche d'image qui permet d'enlever une seule couleur à la fois, le bleu avait été entièrement effacé du décor sans que le reste de la gamme chromatique en eût été affecté. Le bleu avait disparu, le bleu habituel, le bleu radieux, le bleu éclatant du ciel et de la mer, le bleu endémique de la Méditerranée, s'était évaporé de la nature. Tout n'était que brumes de chaleur et blanc ouaté saturé de lumière. Il n'y avait pas un souffle de vent, pas d'air, rien, pas la plus légère brise pour faire onduler un jonc dans la crique - comme si le vent accumulait ses forces pour la tempête qui se déclencherait dans la nuit."

La vérité sur Marie - Jean-Philippe Toussaint (Minuit)

Nurse With Wound - Funeral For Perez Prado

12/15/2009

En rade (2)

"Une alanguissante tristesse l'accabla, une tristesse autre que celle qui l'avait poigné, pendant la route. La personnalité de ses angoisses avait disparu; elles s'étaient élargies, dilatées, avaient perdu de leur essence propre, étaient sorties, en quelque sorte de lui même, pour se combiner à cette indicible mélancolie qu'exhalent les paysages assoupis sous le pesant repos des soirs; cette détresse vague et noyée, excluant la réflexion, détergeant l'âme de ses transes précises, endormant les points douloureux, lénifiant la certitude des exactes souffrances par son mystère, le soulagea."

J-K Huysmans - En rade (folio)

The Cure - Seventeen Seconds

En rade

"Les nuées guerroyantes du ciel s'étaient enfuies; au solennel fracas du couchant en feu, avait succédé le morne silence d'un firmament de cendre; ça et là pourtant, des braises mal consumées rougeoyaient dans la fumée des nuages et éclairaient le château par derrière, projetant l'arête rogue du toit, les hauts corps de cheminée, deux tours coiffées de bonnets en éteignoir, l'une carrée, l'autre ronde. Ainsi éclairé, le château semblait une ruine calcinée, derrière laquelle un incendie mal éteint couvait."

J-K Huysmans - En rade (folio)

Fever Ray - Here Before

12/13/2009

La route de Los Angeles (2) & (3)

""Tu lis tout le temps", il m'a dit. "T'as déjà essayé d'écrire un livre ?"
Ça a fait tilt. Dès cet instant, j'ai voulu devenir écrivain."J'en écris un en ce moment", j'ai dit.
Il a voulu savoir quel genre de livre.
"Ma prose n'est pas à vendre", j'ai répondu. "J'écris pour la postérité".
"J'ignorais ça", il a fait. "T'écris quoi ? Des nouvelles ? Ou de la fiction pure?"
"Les deux. J' suis ambidextre."
"Oh. J'ignorais ça aussi."
Je me suis dirigé vers les rayons acheter un crayon et un calepin. Il voulait savoir ce que j'écrivais actuellement.
"Rien. Je prends seulement des notes pour un ouvrage à venir sur le commerce extérieur. Curieusement, ce sujet m'intéresse. Une sorte de violon d'Ingres.""


"Derrière elle, invisible jusqu'au moment où elle s'est écartée, un petit homme est entré. C'était Shorty Nailor. Il était beaucoup plus petit que moi et très mince. Ses clavicules saillaient. Sa bouche ne contenait aucune dent digne d'être mentionnée, sinon deux ou trois qui étaient pire que rien. Ses yeux évoquaient des huîtres décaties posées sur une feuille de papier. Du jus de tabac séché encroutait les commissures de ses lèvres comme du chocolat. Il avait tout du rat aux aguets. Son visage était si gris que l'on eût juré qu'il n'avait jamais mis les pied au soleil. "

John Fante - La route de Los Angeles (10/18)

12/12/2009

Top albums 2009

Telepathe - Dance Mother :

Peu apprécié en France, le duo de brooklyniennes l'est beaucoup en Angleterre. Il a été classé numéro 2 dans le top de fin d'année du magazine Fact. Ses journalistes ont dit de "Can't Stand It", le meilleur morceau de l'album, qu'il donnait l'impression d'avoir "été enregistré du haut d'un raz de marrée". Pas mieux. L'album de noisy pop à machines de l'année.




Bibio - Ambivalence Avenue

Un album de folktronica à tendance hip-hopissante sorti chez Warp, en 2003, ça vous évoque quelque chose ? Si vous pensez à "One Word Extinguisher" de Prefuse 73, alors à son meilleur, ce disque est pour vous.




Cold Cave - Love Comes Close


Cet album de cold wave industrielle américaine, à cheval entre expérimentation et pop, tentative de séduire et de caresser à rebrousse poil, comporte une poignée de singles fulgurants. On y entend des notes sorties de vieux synthés, des voix au timbre froid qui prononcent des paroles SF du genre "shed a tear of plastic deception".



Fuck Buttons - Tarot Sport
.

Bristol, une ville anglaise de la taille de Nantes a offert au monde Massive Attack, Tricky, Portishead et depuis peu Fuck Buttons, duo œuvrant depuis quelques années derrière d'énormes machines à faire un boucan du tonnerre. Le bruit qu'on y entend est stratifié comme du My Bloody Valetine synthétique, cryogénisé, étiré à l'extrême et donne l'impression d'avancer très vite mais au ralenti, comme embarqué dans un vaisseau à la conquête de contrées extraterrestres. La vidéo du single "Tarot Sport "synthétise ça mieux que moi.



Wave Machines - Wave Machines
Le disque fait partie de ceux que j'ai le plus écoutés cette année. Un disque très minutieusement produit, par ce que d'aucuns appellent " un groupe de studio", qui, pourtant, a fait ses preuves sur scène. En tout cas, c'est après avoir entendu leur concert du festival des Inrocks que j'ai eu envie d'en écouter davantage. Genre : pop à synthés, guitares, boite à rythmes, liverpudlienne à fortes connotations mancuniennes.



Richard Hawley - True Love's Gutter.

http://www.lesinrocks.com/musique/musique-article/article/trueloves-gutter/






11/28/2009

Sur la route de Los Angeles (1)

"Non, il n'y avait pas de travail pour Arturo Bandini. Je suis parti le coeur léger, content de ne pas bosser. Je suis rentré à pied, en regrettant de ne pas avoir un avion, un million de dollars, et que les coquillage ne soient pas des diamants. Je ne suis pas encore un mouton. Lis Nietzsche. Sois un surhomme. Ainsi parlait Zarathoustra. Oh, ce Nitzsche ! Ne sois pas un mouton, Bandini. Conserve la sainteté de ton esprit. Va dans le parc et lis le maître sous les eucalyptus."

John Fante - La route de Los Angeles (10/18)

Nirvana - Sliver

11/19/2009

A rebours (2)

"La neige tombait. Aux lumières des lampes, des herbes de glaces poussaient derrière les vitre bleuâtres et le givre, pareil à du sucre fondu, scintillait dans les culs de bouteille des carreaux tiquetés d'or.
Un silence profond enveloppait la maisonnette engourdie dans les ténèbres.
Des Esseintes rêvassait; le brasier chargé de bûches emplissait d'effluves brûlants la pièce ; il entrouvrit la fenêtre.
Ainsi qu'une haute tenture de contre-hermine, le ciel se levait devant lui, noir et moucheté de blanc.
Un vent glacial courut, accéléra le vol éperdu de la neige, intervertit l'ordre des couleurs.
La tente héraldique du ciel se retourna, devint une véritable hermine, blanche, mouchetée de noir, à son tour, par les points de nuit dispersés entre les flocons."

A rebours - J.-K Huysmans (Folio)

Suicide - Cheree

11/15/2009

A rebours

"La verve sauvage, le talent âpre, éperdu de Goya le captait; mais l'universelle admiration que ses œuvres avaient conquise, le détournait néanmoins un peu, et il avait renoncé, depuis des années, à les encadrer, de peur qu'en les mettant en évidence, le premier imbécile, venu ne jugea nécessaire de lâcher des âneries et de s'extasier, sur un mode tout appris, devant elles.
Il en était de même de ses Rembrandt qu'il examinait, de temps à autre, à la dérobée; et en effet, si le plus bel air du monde devient vulgaire, insupportable, dès que le public le fredonne, dès que les orgues s'en emparent, l'œuvre d'art qui ne demeure pas indifférente aux faux artistes, qui n'est point contestée par les sots, qui ne se contente pas de susciter l'enthousiasme de quelques-uns, devient, elle aussi, par cela même, pour les initiés, polluée, banale, presque repoussante.
Cette promiscuité dans l'admiration était d'ailleurs l'un des plus grands chagrins de sa vie; d'incompréhensibles succès lui avaient à jamais gâté des tableaux et des livres jadis chers; devant l'approbation des suffrages, il finissait par leur découvrir d'imperceptibles tares, il les rejetait, se demandant si son flair ne s'épointait pas, ne se dupait point"

A rebours - J.-K. Huysmans (Folio)